Un crime pas si lointain

Istanbul, Turquie, le 2 octobre 2018. La nuit tombe, les étoiles éclairent le ciel. L'automne pointe doucement le bout de son nez. La température est idéale pour une balade nocturne le long du port. D'aucun pourrait croire qu'une nuit agréable se profile.


Et pourtant, un crime d'une cruauté sans nom vient de se produire. Jamal Khashoggi, journaliste saoudien exilé aux Etats-Unis pour ses positions critiques face au régime saoudien, est attiré dans un piège et assassiné dans l'ambassade d'Arabie Saoudite située à Istanbul. 

Certains se demandent pourquoi Khashoggi, conscient du danger qu'il courait en Arabie Saoudite, est néanmoins entré dans l'ambassade. Une ambassade appartient au pays qu'elle représente, non ? En entrant dans l'ambassade, Khashoggi quittait le territoire de la Turquie pour entrer en Arabie Saoudite, n'est-ce-pas ? 

En réalité, non. Les ambassades possèdent bien un statut particulier "d'inviolabilité", mais pas "d'extraterritorialité". Pas de panique, on t'explique tout ce langage juridique ! 

Tout d'abord, le pays qui accueille une ambassade doit obtenir son autorisation pour y entrer. Ensuite, l'Etat d'accueil doit tout faire pour que l'ambassade puisse mener ses missions sans gêne. Ca, c'est l'inviolabilité. 

Cependant, le territoire sur lequel l'ambassade se trouve appartient quand même toujours au pays d'accueil. Il n'y a pas d'extraterritorialité pour une ambassade. Il en découle que ce sont les lois de l'Etat d'accueil qui s'appliquent et pas celles du pays de l'ambassade. Cela va des autorisations d'urbanisme au droit pénal, en passant par le droit du travail, et on en passe. Du coup, si un crime se déroule dans une ambassade, le pays d'accueil a le droit de lancer une enquête et de prendre des mesures punitives contre l'ambassade si celle-ci lui refuse l'accès à ses locaux. 

Quand Khashoggi est donc entré dans l'ambassade saoudienne, il était toujours en Turquie. Quand il s'y est fait assassiner, c'était sur le territoire turc, sous les lois turques, et pas saoudiennes. C'est pour cela qu'il avait préalablement rassuré sa fiancée que "rien de mauvais ne peut arriver sur le territoire turc", et que les autorités turques ont lancé une enquête. Si l'Arabie Saoudite refusait que ces dernières entrent dans l'ambassade pour conduire leur investigation, la Turquie pouvait prendre des mesures à l'encontre de l'Arabie Saoudite, en espérant qu'elle plie et donne son autorisation. 

Au contraire du mythe bien ancré dans les esprits et relayé non seulement par Hollywood mais également par de nombreux diplomates eux-mêmes, une ambassade appartient au pays qui l'accueille et non au pays qu'elle représente. On vous laisse glisser cette anecdote au prochain repas familial, ça fait toujours stylé. 

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