Combien de fois n’ai-je pas entendu les baptisés de ma chère université crier à plein poumons : « A bas la calotte ! ». Ancrée depuis longtemps au sein du folklore estudiantin belge, cette phrase signe la rivalité entre l’ULB et l’UCL, entre les universités libres et les universités catholiques, entre les pennés et les calottés. Mais ce propos n’est pas seulement un cri de baptisés. Il est également une affirmation du net rejet des dogmes religieux, de l’argument d’autorité, de la papauté, des catholiques. Elle est aussi l’expression du libre examen et de la libre pensée. Réfléchir par soi-même et refuser de se soumettre à autrui. Que c’est beau.
Cependant, elle signe aussi une controverse en droit pénal (les juristes adorent le mot 'controverse', ça leur donne des frissons). La question s'est en effet posée de savoir si ce même cri constituait ou non un outrage portant sur une objet de culte, punissable d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de 208 euros à 4000 euros. Les Ulbistes, tous bons pour la prison ?
Ensuite, l'outrage doit s'effectuer via un fait, un geste, une parole ou une menace. "A bas la calotte", un juge sympathique le mettrait sous la catégorie de la parole. Un juge plus sévère le considérerait comme une menace - ben oui, 'à bas' ça veut dire 'à mort' donc bon. Comme disait maman, il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.
Par contre, et c'est là tout le noeud du problème, l'outrage doit porter sur un objet du culte. La loi souhaite par là protéger la symbolique que représentent ces objets pour les fidèles. Pour être considéré comme objet de culte, l'objet en question doit être consacré aux cérémonies du culte, à savoir être utilisé pendant le service religieux. Et pour la calotte - comme pour la soutane - on ne sait pas se mettre d'accord. Objet du culte ou non ? Telle est la question.
En cas de réponse négative, les païens seront tranquilles. En cas de réponse positive, le cri "A bas la calotte" constitue t'il pour autant un outrage ? Une décision de justice a tranché en posant que cela était possible "selon les circonstances et les intentions". Dans le genre phrase qui veut rien dire. En gros, ce sera du cas par cas. Les baptisés s'écriant "A bas la calotte" dans le cadre du folklore, sans réelle intention de blesser les catholiques ou en songeant au couvre-chef tout bizarre des universitaires catholiques baptisés (que d'objectivité vis-à-vis de la penne), ne risquent - à notre avis - pas grand chose.Scientia vincere tenebras.
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